Animaux massifs

Message 1, par Elzen

§ Posté le 22/02/2018 à 1h 07m 42

Le gigantisme de certaines formes de vie a de quoi fasciner. Sans doute même est-ce la cause première de la notoriété des dinosaures : quoiqu'il en ait existé de toutes les tailles, on entend plus souvent parler du tyrannosaure ou du diplodocus que du microraptor ou du parvicursor.

Pour autant, les dinosaures sont loin d'avoir été les seules formes de vie à atteindre des proportions gigantesques. Certains arbres, par exemple, peuvent allègrement dépasser les cent mètres de haut. Et même si l'on ne considère que les animaux, il y a eu d'énormes créatures dans bien d'autres branches de l'arbre du vivant, et ce à toutes les époques.

Il faut tout de même s'interroger sur ce que l'on considère, ou pas, comme étant du gigantisme. Par exemple, lorsque l'on parle d'« araignée géante », on imagine généralement une créature de fiction bien plus grosse qu'un homme. L'araignée « Goliath », quoiqu'elle mesure une trentaine de centimètres, ce qui impressionne déjà pas mal de monde(1), reste tout de même un animal de relativement petite taille, par comparaison au dinosaure moyen dans notre imaginaire. Pourtant, d'autres araignées ne dépassent pas les cinq millimètres : proportionnellement parlant, c'est bien plus que la différence entre microraptor et le T-rex.

Il faut également se détacher un peu de ce qu'on voit dans les films, les cinéastes ayant tendance à grossir un peu trop certaines créatures(2). Ainsi, les vélociraptors présentés dans Jurassic Park, en plus de manquer de plumes(3), sont à peu près deux fois plus gros que les créatures réelles (même si on a découvert par la suite un utahraptor de taille équivalente à celle des créatures du film). Dans un autre registre, les anacondas peuvent mesurer jusqu'à neuf mètres de long, voire peut-être un peu plus, ce qui est certes très grand, mais nettement moins que ce que l'on peut voir dans certains films portant leur nom.

Alors bon, si les serpents et les araignées ne vous ont pas encore dégouté de cet article, faisons un petit tour de quelques créatures géantes qu'a compté notre planète, en essayant l'ordre chronologique. Je piocherai mes exemples dans deux séries de documentaires, l'une très sympathique, Sur la terre de… (je dirai « SLTD » pour faire moins lourd), l'autre beaucoup moins réussie(4), Jurassic Fight Club (« JFC »). Quelles que soient leurs qualités par ailleurs, ces deux séries commencent toutes deux à dater, et nous en profiterons donc pour remettre quelques infos à jour, les connaissances ayant progressé depuis leur parution.


Anomalocaris


Commençons donc par l'époque la plus ancienne abordée par ces documentaires : le Cambrien, il y a 530 millions d'années, évoqué dans Sur la terre des géants. La vie animale est encore uniquement marine, et de très petite taille. Le premier animal considéré comme « géant », un proche parent de nos arthropodes, mesure un mètre et s'appelle Anomalocaris. On lui a toutefois trouvé depuis un cousin encore plus grand, un hurdiidé de deux mètres.

Anomalocaris est présenté dans le SLTD comme un prédateur ; il aurait pu également être charognard, voire omnivore. Son cousin hurdiidé était vraisemblablement un mangeur de plancton, comme les baleines actuelles. L'un comme l'autre étaient dotés d'yeux à facettes parmi les plus efficaces de l'époque, même s'ils n'étaient pas les seules créatures à en posséder.

Mais dans l'ensemble, le Cambrien, comme les époques qui suivent, reste assez limité en animaux géants, aussi, avançons relativement rapidement dans le temps.


PterygotusOrthoceras


Le même documentaire enchaîne par le Silurien, il y a 420 millions d'années, où l'on rencontre le Brontoscorpio, scorpion dont la taille est estimée autour d'un mètre, qui se trouve, outre sa grande taille (pour un scorpion), avoir disposé de poumons et donc avoir été parmi les premiers animaux à avoir pu se promener un peu hors de l'eau. Sous la surface, il pouvait toutefois être lui-même menacé par Pterygotus, un cousin du scorpion qui, long de près de trois mètres, est l'un des arthropodes les plus grands que notre planète ait jamais porté.

Mais à l'époque, les océans avaient déjà connu de plus grandes créatures : entre le Cambrien et le Silurien avait eu lieu l'Ordovicien, abordé dans la première partie du documentaire Les monstres du fond des mers (dérivé de la série SLTD qui fait semblant d'envoyer son animateur, Nigel Marven, plonger dans les mers du passé). On y rencontre un Mégalograptus, un autre cousin du scorpion pouvant dépasser un mètre, mais surtout Orthoceras, une sorte de céphalopode qui pouvait atteindre onze mètres de longueur(5) !


HynerpetonDunkleosteus


Arthropodes et céphalopodes sont des branches très anciennes de l'arbre de la vie, mais les vertébrés existent depuis bien longtemps aussi : les plus anciennes formes apparaissent au Cambrien également. Je n'ai pas mentionné les espèces de l'époque car elles restaient de petites tailles jusqu'à la période qui suit immédiatement le Silurien, et que l'on appelle le Dévonien.

SLTD Géants y présente deux vertébrés suffisamment gros pour être évoqués ici. Mentionnons d'abord Hynerpeton, un amphibien(6) (ou batracien) qui pouvait mesurer aux alentours de deux mètres. Une fois encore, les mers comptaient toutefois des animaux plus gros encore : Hyneria, un sarcoptérygien (famille d'animaux comptant les tétrapodes, dont nous faisons partie, mais aussi des formes de vie qui nous évoquent davantage les « poissons », comme les cœlacanthes) mesurant jusqu'à quatre mètres et pesant jusqu'à deux tonnes.

Profitons de cette dernière mention pour une petite remarque vis-à-vis du titre de cet article : je disais parler ici d'animaux massifs, c'est-à-dire pesant(7) beaucoup, et je ne parlais jusqu'ici que d'animaux de grande taille. La taille et la masse sont souvent liées, mais cela peut varier selon la constitution de la bestiole considérée(8). La masse étant plus délicate à évaluer d'après des fossiles, elle n'est pas toujours connue, et pas forcément mentionnée dans les ouvrages que j'ai présentement à ma disposition (à savoir, outre les documentaires mentionnés, principalement Wikipédia, d'où proviennent les images). Je ne la mentionnerai donc que quand j'ai réussi à la trouver.

Et c'est le cas pour Dunkleosteus, un poisson à cuirasse osseuse qui vivait à la même époque (qui n'est pas abordé dans le SLTD, mais auquel est consacrée une des plongées de Nigel Marven), qui mesurait entre huit et dix mètres de longs et devait peser aux alentours de cinq tonnes. Cet animal est également connu pour avoir l'une des morsures les plus puissantes du règne animal, avec celles du fameux T-rex et des crocodiles.


MeganeuraArthropleura


SLTD Géants aborde ensuite le Carbonifère, qui fut l'âge du gigantisme pour les insectes : leur système respiratoire impose en effet une taille limite dépendant de la quantité d'oxygène que compte l'atmosphère, et le Carbonifère était la période au cours de laquelle cette quantité a été la plus grande. Le plus gros insecte de tous les temps devait donc être Meganeura, une libellule de trente centimètres de longs pour une envergure dépassant les 70 centimètres, ce qui ne serait simplement pas viable dans l'atmosphère de notre époque.

Mais elles côtoyaient d'autres géants tels qu'Arthropleura, un cousin du mille-pattes plus modeste que Pterygotus, puisqu'il ne mesurait « que » deux mètres de long (pour cinquante centimètres de large), mais qui est tout de même l'arthropode terrestre le plus grand que nous connaissions, la troisième espèce géante connue de cet embranchement, Jaekelopterus (qui vivait au Dévonien), étant également aquatique. Arthropleura est présenté dans le documentaire comme carnivore, mais les recherches actuelles semblent indiquer qu'il était en fait herbivore.

Si certaines créatures des profondeurs avaient peut-être hérité des géants des périodes précédentes, la terre ferme ne semblait pas connaître tellement plus gros : le vertébré le plus grand de l'époque semble avoir été Proterogyrinus, un réptiliomorphe de deux mètres et demie(9).

Toutefois, même si ses représentants sont encore d'assez petite taille, cette période voit l'apparition du clade des amniotes, caractérisés par le fait de pouvoir pondre leurs œufs hors de l'eau, qui sera très important pour la suite. Ce groupe se divise assez rapidement en deux branches : d'un côté les synapsides, dont nous ferons partie, de l'autre les sauropsides, qui compteront notamment les dinosaures(10).


DimetrodonInstrancevia


C'est à la période suivante, le Permien, que l'un de ces deux groupes commence à atteindre des tailles impressionnantes… et ce n'est pas forcément celui que l'on pourrait croire. Les sauropsides, en effet, restent d'abord de taille très modeste, et ce sont les synapsides qui occupent les premiers le devant de la scène, avec les pélycosaures, dotés d'une « voile » dorsale qui devait leur permettre de réguler leur température. Deux espèces sont principalement connues (et présentées dans le SLTD) : Edaphosaurus, herbivore long de trois mètres, et surtout Dimétrodon, légèrement plus grand (3,50m de long, et près de 2m de haut en comptant la « voile », pour une masse de 200 à 250 kilos).

Ils restaient toutefois relativement petits, si on les compare à l'un des plus grands animaux que comptera ensuite cette période : Inostrancevia (désigné dans le documentaire comme « gorgonopsien », qui est le nom du groupe comprenant entre autres cette espèce), un prédateur terrestre pouvant mesurer plus de cinq mètres et pesant près d'une tonne, qui vécut il y a un peu plus de 250 millions d'années, à la fin du Permien.

Les gorgonopsiens étaient eux aussi des synapsides, et cette branche serait peut-être restée longtemps celle des plus gros animaux terrestres, s'il n'y avait eu alors la plus grave crise de l'histoire de la vie, qui rebattit grandement les cartes.


ProterosuchusCymbospondylus


La période qui suit le Permien s'appelle le Trias. On y compte encore quelques synapsides de taille relativement grande, comme Lystrosaurus, dont les plus grands individus pouvaient atteindre deux mètres, mais la plupart des espèces de ce groupe sont désormais de bien plus petite taille, et ce sont les sauropsides qui commencent à accéder au gigantisme, avec par exemple Proterosuchus, mesurant aux alentours de trois mètres. Il a longtemps été considéré comme un très proche parent des crocodiles actuels, mais la classification actuelle tend à l'en éloigner.

Les formes de vies de grande taille restent peu nombreuses au début du Trias, Proterosuchus étant l'un des plus grands animaux terrestres de l'époque, et les premiers dinosaures, qui apparaissent au cours de cette période, étant de taille bien moindre. Toutefois, un mouvement est en route. Cœlophysis, l'un des premiers théropodes, mesure déjà trois mètres de long pour un peu plus d'un mètre de haut – mais de masse assez raisonnable : aux alentours de 80kgs.

C'est toutefois dans l'eau que nous trouverons les premiers sauropsides vraiment géants : les ichtyosaures. Nigel Marven nous présente Cymbospondylus, mesurant jusqu'à dix mètres de long et pesant quatre tonnes. Nous avons cependant appris depuis que le Trias a compté des formes de vies aquatiques plus grandes encore : Shonisaurus, de quinze mètres et dix tonnes, et surtout Shastasaurus, le plus gros sauropside aquatique connu à ce jour, dépassant les 20 mètres de long pour une masse probable de 20 tonnes.

Tant qu'à rectifier les informations présentées dans ces documentaires, évoquons Tanystropheus, présenté par Nigel Marven comme étant un animal marin, comme on le croyait à l'époque. Les recherches actuelles tendent à montrer qu'il vivait plutôt sur la terre ferme, se servant tout de même de son long cou (qui lui fait atteindre une longueur totale de six mètres) pour attraper des poissons dans l'eau.


BrachiosaureStégosaureAllosaure


La fin du Trias entraîne le début du célèbre Jurassique, et nous quittons SLTD Géants pour Sur la terre des dinosaures, qui inaugura la saga. On rencontre à cette période certaines des stars du monde préhistorique, comme le Diplodocus et le Stégosaure, bien que certaines espèces plus célèbres encore n'apparaitront en fait qu'à la période suivante.

Commençons par le second, qui est un de mes dinosaures préférés. Haut de quatre mètres et long de neuf de la tête à l'extrémité (à pointes) de la queue, il devait peser aux alentours de trois tonnes, ce qui est loin d'en faire le plus gros animal de l'époque. Il est néanmoins très reconnaissable grâce aux plaques pentagonales qui devait servir à régulier sa température (comme la « voile » des pélycosaures), mais sans doute également également à parader ou à impressionner ses adversaires. Notons que l'animal, bien qu'assez grand, avait un cerveau à peine plus gros qu'une noix, ce que devait compenser une moelle épinière plus importante que la nôtre.

Le diplodocus, pour sa part, a l'aspect typique d'un sauropode : un corps massif porté par quatre pattes(11), prolongé d'un côté par une longue queue qui devait lui servir de balancier et sans doute d'arme, et de l'autre par un cou non moins long au bout duquel se trouvait une tête relativement petite. Connu d'abord par des traces très parcellaires, sa taille avait initialement été très nettement surévaluée : on l'imaginait mesurer plus de cinquante mètres de long de la tête au bout de la queue, mais il semble finalement n'en avoir mesuré « que » 35. De même, sa masse a été plusieurs fois ré-évaluée à la baisse, et est estimée actuellement entre dix et seize tonnes, ce qui en fait l'un des représentants les moins massifs des sauropodes.

À titre de comparaison, le Brachiosaure, qui vivait à la même époque, était de taille notablement inférieure (environ 26 mètres de long), mais sa masse était néanmoins grandement supérieure : vraisemblablement entre 30 et 50 tonnes. Notons que le brachiosaure est l'un des seuls sauropodes qui aurait peut-être pu dresser son cou vers le haut comme le font les girafes actuelles, même si ce point est très vivement discuté. Les autres représentants de cet ordre, eux, n'avaient assurément ni la musculature, ni la pression sanguine requises pour y parvenir, contrairement à ce que l'on se représentait lors de leur découverte(12).

Des animaux de cette taille étaient chassés par des prédateurs assez gros également. Dans deux de ses épisodes, JFC nous présente Ceratosaurus, un prédateur bipède de six mètres de long pour deux mètres de haut, qui fut l'un des principaux prédateurs de la période avant de se faire supplanter par l'Allosaure, un autre théropode sensiblement plus grand : la plus grande espèce d'Allosaure mesurait jusqu'à douze mètres de long et dépassant les quatre mètres de haut. Comme la plupart des théropodes (ce qui inclut les oiseaux actuels), l'Allosaure est plutôt léger pour sa taille : on estime sa masse aux alentours d'une tonne et demie.

Mais le Jurassique compte aussi, bien sûr, des formes gigantesques dans ses océans : Nigel Marven nous présente ainsi le Leedsichthys, le plus gros poisson(13) de tous les temps, qui pouvait atteindre une taille de plus de vingt-cinq mètres. Mangeur de plancton comme les baleines actuelles, lui aussi devait néanmoins faire face à des prédateurs géants : les ichtyosaures du Trias ont laissé la place aux pliosaures, dont le membre le plus emblématique de l'époque est le Liopleurodon, pouvant mesurer jusqu'à 15 mètres (les 25 mètres évoqués dans SLTD dinosaures sont très vraisemblablement une exagération).


AnkylosaureArchelonTriceratops


Le refroidissement climatique marquant la séparation entre le Jurassique et le Crétacé mettra un frein au gigantisme : le début de cette période semble plus ou moins plafonner aux alentours de six mètres (ce qui reste tout de même plus grands que les plus grand animaux terrestres jusqu'au Permien inclus), et voit l'avènement d'une célèbre famille de petits prédateurs à plumes : les raptors, dont les plus grand spécimens étaient aussi les plus primitifs.

D'autres géants reviendront tout de même au cours de cette période, y compris parmi les cousins des raptors : l'ultra-célèbre Tyrannosaure, légèrement plus long que l'Allosaure puisqu'il mesure jusqu'à treize mètres, mais surtout beaucoup plus massif : on l'estime entre quatre et sept tonnes. D'autres théropodes de la période l'ont toutefois dépassé quelque peu(14), comme le Carcharodontosaure. L'un des épisodes de JFC nous apprend toutefois que le Tyrannosaure avait une caractéristique qui le distinguait des autres prédateurs géants : ses dents semblaient faites pour briser les os en plus de trancher la chair. Si l'on ajoute à cela le fait qu'il ait eu l'une des morsures les plus puissantes du règne animal (moins puissante toutefois, proportionnellement parlant, que celle de certains crocodiles actuels) et, comme les varans actuels, une telle réserve de bactéries dans la bouche que les plaies qu'il causait devaient s'infecter très facilement, on peut considérer que sa morsure avait toutes les chances d'être l'une des plus fatales du règne animal, et ce toutes époques confondues, ce qui est tout de même impressionnant.

Il faut dire que ses proies impressionnaient tout autant. Ainsi, les thyréophores n'ont pas disparu avec le Stégosaure : cette famille compte encore de superbes représentants au Crétacé, comme l'Ankylosaure, long de dix mètres et pesant quatre tonnes. Il est par contre légèrement moins haut que son cousin du Jurassique : deux mètres et demie, en partie dû ai fait que les plaques qu'il a sur le dos ne sont pas dressées vers le haut, mais disposées pour lui former une sorte de carapace. Sa queue, quoique elle aussi une arme mortelle, n'inflige pas la même catégorie de dégâts que celle du Stégosaure : elle n'est pas dotée de pointes, mais de lourdes plaques formant une sorte de massue. On passe donc du perforant au contondant.

Côté perforant, nous avons le plus célèbre des marginocéphales, le Triceratops, dont le nom signifie « tête à trois cornes », ce qui, en plus de la collerette qu'ont tous les membres de sa famille, le représente assez bien. Les plus grands individus pouvaient atteindre les dix mètres de long et peser jusqu'à dix tonnes, même si la moyenne était tout de même inférieure. Comme l'Ankylosaure, le Tricératops avait, à la même période, de proches cousins assez ressemblants, mais de taille légèrement plus petite : je ne les évoque pas ici seulement parce que je ne m'intéresse qu'aux plus gros spécimens, mais ils sont très intéressants à étudier également(15).

Les dinosaures ne sont cependant pas les seuls à avoir atteint le gigantisme à la fin du crétacé. Ainsi, leurs plus proches cousins, les crocodiles, ont eu droit à un Deinosuchus, long de plus de dix mètres et ayant peut-être pesé jusqu'à huit tonnes, dont la morsure, si l'on se rapporte aux crocodiles actuelles, devait être plus puissante encore que celle du T-rex !

La fin du Crétacé marque aussi l'époque des plus grands animaux volants, avec des ptérosaures comme le Quetzalcoatlus et ses cousins, dont l'envergure dépassait les dix mètres (après plusieurs réévaluations à la baisse). Mais, bien sûr, l'eau a également eu sa part. Citons d'abord l'Archélon, la plus grande tortue de tous les temps, quoiqu'assez modeste pour la faune de l'époque : plus de quatre mètres, pour plus de deux tonnes.

Mais ce n'est pas tout, car on trouve aussi de gros poissons carnassiers comme le Xiphactinus, mesurant de quatre à six mètres, et des pléiosaures comme l'Élasmosaure, créature au long cou (il détient le record du plus grand nombre de vertèbres) atteignant les vingt mètres et pesant trois tonnes, ou Brachauchenius, dont le nom signifie au contraire « cou court », mais qui devait mesurer dix mètres et peser jusqu'à vingt tonnes.

Principaux prédateurs du Jurassique, les pléiosaures ont toutefois été supplantés au Crétacé par une autre famille de sauropsides marins : les mosasaures, dont le plus grand représentant était le Tylosaurus, avoisinant les quatorze mètres(16) pour une masse de dix tonnes.


GastornisBasilocetus


Mais une nouvelle extinction de masse, quoique nettement moins importante que celle qui leur donna le premier rôle, finit par avoir raison (ou presque) du gigantisme des sauropsides : ptérosaures, pléiosaures et mosasaures ne survécurent pas à la fin du Crétacé, et parmi les dinosaures, seule une petite partie des théropodes survécut : les oiseaux. Sur la terre des monstres disparus, qui prend le relai du précédent, fait d'ailleurs de l'un deux, Gastornis, le plus grand prédateur des débuts de la période suivante, le Paléogène.

Il est vrai que Gastornis, quoique nettement plus petit que ses cousins disparus, était un des plus gros animaux de l'époque, avec ses presque deux mètres et sa centaine de kilogrammes. Toutefois, les études actuelles semblent suggérer qu'il aurait plutôt été omnivore, voire ne pas avoir mangé de viande du tout. Être un proche parent du T-rex et des raptors ne fait pas tout.

Avançons donc dans le temps jusqu'au second épisode du SLTD, toujours au Paléogène(17) qui nous permet de retrouver des géants, mais cette fois dans la branche des synapsides : Andrewsarchus, par exemple, connu pour l'heure uniquement par un crâne de 90cm de long(18), devait mesurer entre trois et quatre mètres et peser 800kg.

Ça reste trop petit pour vous ? Alors allons faire un tour dans les océans, pour y trouver le basilocétus (historiquement nommé Basilosaurus, car les squelettes retrouvés l'ont initialement fait passer pour une sorte de serpent de mer ; le nom n'ayant pas officiellement été mis à jour par la suite), une baleine tueuse de 18 mètres de long, pesant entre 50 et 60 tonnes. Si cela n'égale pas la taille du plus gros sauropside marin du Trias, cela surpasse néanmoins la plupart des grandes espèces aquatiques du Jurassique et du Crétacé, et prouve donc que le gigantisme n'a pas disparu et que les grands prédateurs ont encore de beaux jours devant eux.

La terre ferme, cependant, reste plutôt modeste, par comparaison aux périodes précédentes. La fin de cette période compte tout de même quelques grands animaux notables, évoqués dans l'épisode suivant de SLTD monstres disparus : le Hyænodon, prédateur pouvant atteindre près d'un mètre et demi pour une demi-tonne, et surtout les entélodontes comme Daeodon, haut de plus de deux mètres et long de quatre qui, apparenté au porc et au sanglier, devait être une montagne de muscles particulièrement combattive.


DeinotheriumMegalodon


Tous les documentaires que j'utilise ici semblent curieusement éviter le tout début(17) de la période suivante, le Néogène, qui pourtant engendra quelques spécimens impressionnants comme le Purussaurus. Découvert plus tardivement que son cousin du Crétacé, le déjà mentionné Deinosuchus, il avait une masse similaire à celle de ce dernier (aux alentours de huit tonnes), mais mesurait plus de douze mètres, ce qui en fait le plus grand crocodile de tous les temps.

Plus tardivement, cette période voit l'avènement des premiers grands fauves « à dent de sabre », mais également celle de l'un des plus grand mammifère terrestres, cousin de l'éléphant, le Deinotherium, dont les plus grands individus auraient pu mesurer jusqu'à cinq mètres de haut et peser jusqu'à quatorze tonnes (quatre mètres et cinq à dix tonnes en moyenne).

Mais c'est encore une fois dans l'eau que ces périodes nous révèlent leurs plus terribles créatures. Les requins, apparus au Silurien, mais dont les plus grand spécimen connus semblaient plafonner à trois mètres quand les eaux étaient peuplés de grands sauropsides, sont finalement parvenus au gigantisme à la toute fin du Paléogène avec le Mégalodon, requin tueur(19) sans doute très semblable au grand requin blanc actuel, mais mesurant seize à dix-huit mètres et pesant une cinquantaine de tonnes, qui règne sur les océans du Néogène.

Nigel Marven le « filme » en train d'attaquer un Cetotherium, une baleine de 14 mètres et cinq tonnes. Un épisode du JFC nous présente un affrontement entre ce requin géant et un nouveau venu de la fin de la période, cousin de notre cachalot actuel, le Brygmophyseter. Plus petit que son cousin moderne (dont les mâles adultes rivaliseraient de taille avec le mégalodon tout en étant légèrement plus massifs), mais tout de même plus grand que nos orques actuels, qui apparaîtront peu après, il mesurait jusqu'à douze mètres, mais, contrairement au requin dont il a peut-être accéléré la disparition (qui se produit peu après la fin de cette période), chassait en groupe.


MegatheriumMammouth


Nous arrivons maintenant à la période actuelle, le Quaternaire, qui voit donc l'apparition de l'espèce humaine. Elle aussi connut ses formes géantes, comme le Megatherium, un cousin du paresseux de six mètres pesant environ quatre tonnes, ou le Doedicurus, cousin du tatou mesurant jusqu'à cinq mètres de long et pesant trois tonnes.

Dans l'ensemble, ses grands prédateurs sont bien moins imposants que le T-rex. Un épisode de JFC (dont on se demande ce qu'il fiche aussi loin du Jurassique(20)) relate un possible duel entre le plus grand des ours connus, l'Arctodus (1m80 au garrot, ce qui est sur-évalué dans l'épisode, mais capable de se dresser sur ses pattes arrières, et pesant plus d'une tonne), et le plus grand des fauves, le Lion des cavernes (long de quatre mètres et pesant une demi-tonne).

Tous ces animaux ont aujourd'hui disparus, de même que l'une des plus grosses créatures que l'humain ait côtoyé, le Mammouth, « cousin Machin » de l'éléphant, dont certaines espèces étaient toutefois de taille plus modeste (comme le mammouth nain), mais dont les plus grandes espèces rivalisaient en taille avec les plus gros mammifères terrestres connus à ce jour (Deinotherium, déjà évoqué, et ses cousins encore plus gros de la même période).

Et pourtant, l'animal le plus massif connu à ce jour, et de loin, est un animal de notre époque, même si sa survie est menacée : il s'agit de la baleine bleue, pouvant dépasser les trente mètres(21), et dont la masse peut dépasser les 170 tonnes. Même les plus lourds des sauropodes, qui détenaient le record jusqu'à son apparition, étaient très loin de s'en approcher. Alors, si c'est le gigantisme qui nous impressionne à ce point, peut-être pourrions-nous nous préoccuper davantage des géants d'aujourd'hui et faire davantage pour assurer leur survie.

Mais la masse ne fait pas tout : la biodiversité, actuelle et passée, a de quoi fasciner par pas mal d'autres aspects. Nous en reparlerons peut-être dans d'autres articles, qui seront sans doute eux-mêmes moins massifs que celui-ci.


Baleine bleue



J'avais commencé à vous faire une version audio, avec plein de chouettes petits extraits idiots, mais mon ordi n'a pas eu l'air d'apprécier et je n'ai pas le courage de reprendre. On aurait de toute façon vraisemblablement dépassé les trentes minutes, ce qui de mon point de vue est beaucoup trop long.

(Suite au décès inopiné de mon précédent serveur, je profite de mettre en place une nouvelle machine pour essayer de refaire un outil de blog digne de ce nom. J'en profiterai d'ailleurs aussi pour repasser un peu sur certains articles, qui commencent à être particulièrement datés. En attendant, le système de commentaires de ce blog n'est plus fonctionnel, et a donc été désactivé. Désolé ! Vous pouvez néanmoins me contacter si besoin par mail (« mon login at ma machine, comme les gens normaux »), ou d'ailleurs par n'importe quel autre moyen. En espérant remettre les choses en place assez vite, tout plein de datalove sur vous !)